17 Oct

EXAMEN CLINIQUE EN ORTHOPÉDIE PÉDIATRIQUE :  CE QUE LE MÉDECIN GÉNÉRALISTE DOIT SAVOIR 

M. Mousny1, A. Renders2 

l’orthopédie pédiatrique est de nos jours une spécialité à part entière, qui se distingue de l’orthopédie adulte tant par ses pathologies que par son approche clinique. Cet article décrit l’examen clinique orthopédique « global » tel qu’il est réalisé par les auteurs dans leur pratique quotidienne, en mettant l’accent sur les aspects plus pertinents pour le médecin généraliste, l’objectif étant que ce dernier sache distinguer le normal du pathologique. Seule l’évaluation clinique de l’enfant ayant acquis la marche est décrite, selon une chronologie permettant de gagner progressivement la confiance de l’enfant.  L’orthopédie pédiatrique est de nos jours une spécialité à part entière, qui se distingue de l’orthopédie adulte tant par ses pathologies que par son approche clinique. Cet article décrit l’examen clinique orthopédique « global » tel qu’il est réalisé par les auteurs dans leur pratique quotidienne, en mettant l’accent sur les aspects plus pertinents pour le médecin généraliste, l’objectif final étant que ce dernier sache quand rassurer et quand référer chez le spécialiste. La chronologie de l’examen clinique décrit est propre aux auteurs. Cet examen devra évidemment être adapté en fonction du motif de consultation et de la pathologie recherchée. Seule l’évaluation clinique de l’enfant ayant acquis la marche sera décrite, l’examen clinique du nouveau-né et nourrisson ayant des particularités qui ne seront pas abordées. Quelques pathologies seront évoquées afin de bien distinguer le normal du pathologique, et illustrer la notion qu’il faut aussi savoir regarder ailleurs que là où la symptomatologie est la plus manifeste, pour pouvoir poser un diagnostic. 

                      examen clinique                                                                                    

 

L’examen clinique est commencé patient en position debout, puis se termine patient en position couchée, l’objectif étant de gagner progressivement la confiance de l’enfant. Le caractère ludique de cet examen est important pour s’assurer la collaboration maximale du patient. L’examen débute par l’évaluation de la taille et du poids, afin de positionner le patient sur les courbes de croissance staturopondérale. Il faut distinguer la taille assise de la taille debout, car la cinétique de croissance des membres inférieurs n’est pas la même que celle du segment supérieur. Si on veut se faire une idée plus précise de la croissance rachidienne, le patient est mesuré en position assise. La colonne représente 60% de la taille assise, 20% étant attribué au segment céphalique et 20% au bassin. Même si le motif de consultation semble bien ciblé sur une région anatomique, il est important d’évaluer globalement le patient. Cette « évaluation globale » se fera tout au long de l’examen.  Ainsi, on regardera bien le faciès de l’enfant, certains signes pouvant mettre sur la voie d’un syndrome particulier. La trophicité musculaire sera également évaluée, de même que la position adoptée naturellement par l’enfant, tant en position assise pendant l’anamnèse qu’en position debout. Il faudra aussi être à l’affût de tout signe cutané susceptible d’orienter le diagnostic. Par exemple, tout stigmate cutané (touffe de poils, tache vasculaire, tache pigmentée, etc.) sur la ligne médiane du rachis doit faire suspecter un dysraphisme sous-jacent. La présence de nombreuses « taches café au lait » peut être le signe d’une neurofibromatose. En position debout, l’équilibre du bassin est évalué en prenant comme points de repère les crêtes iliaques et les articulations sacro-iliaques, ou les épines iliaques antérosupérieures. Si une obliquité pelvienne sur inégalité de longueur des membres inférieurs est mise en évidence avec un aspect de courbure rachidienne, cette inégalité doit être corrigée en positionnant une compensation sous le membre inférieur le plus court (figure 1). S’il s’agit d’une attitude scoliotique, ce test ou le fait d’asseoir le patient permettra la correction de la déviation rachidienne. S’il s’agit d’une véritable scoliose, la déviation rachidienne persistera. Il faut noter qu’une inégalité de longueur des membres inférieurs peut n’avoir aucune répercussion sur la statique rachidienne. L’évaluation globale de la statique rachidienne, patient vu de dos, recherchera une asymétrie. Toute asymétrie est suspecte, que ce soit au niveau des épaules, des omoplates, des flancs. On demande ensuite au patient de réaliser une flexion antérieur du tronc, genoux en extension (test en flexion antérieure du tronc d’Adam). Dans cette position, la colonne est regardée à jour frisant. Si une gibbosité apparaît (correspondant à la saillie des côtes ou de la musculature d’un seul côté), une scoliose doit être suspectée. Cette gibbosité peut être évaluée en degrés à l’aide d’un scoliomètre. Il faut veiller à ce que le patient garde les genoux en extension. Si le patient a des muscles ischiojambiers courts, ce test peut être difficilement réalisé et créer l’aspect d’une fausse gibbosité. Chez l’enfant jeune, ce test n’est généralement pas possible. La recherche d’une gibbosité se fait en regardant la colonne « à jour frisant », enfant debout, depuis le haut. La souplesse du rachis est évaluée par le test en inclinaison latérale (figure

276 2). Des contractures musculaires responsables d’un rachis raide doivent faire rechercher une pathologie sousjacente. Chez l’enfant jeune, ce test peut s’avérer difficile et est alors remplacé par le test en traction vers le haut. Le rachis est ensuite examiné de profil, afin d’évaluer les courbures sagittales c à d la lordose cervicale, la cyphose thoracique et la lordose lombaire. Si une anomalie est notée, il est essentiel d’en évaluer la réductibilité en demandant au patient de se tenir bien droit. Il s’agit le plus souvent d’une accentuation de la cyphose thoracique. Si elle est facilement réductible, cela signifie que l’origine est posturale. Si elle est raide, une pathologie sous-jacente devra être recherchée. Des déformations thoraciques (musculaires, costales) et sternales (pectus excavatum, pectus carinatum) seront également recherchées.

L’examen se porte ensuite sur les membres inférieurs et commence par l’évaluation statique globale. La connaissance de l’évolution de cette statique avec la croissance est importante. A la naissance, le nourrisson présente un genu varum qui se corrige progressivement pour atteindre l’axe neutre vers l’âge de deux ans. Un genu valgum apparaît ensuite progressivement, avec un maximum atteint vers l’âge de trois à quatre ans, pour ensuite se corriger progressivement et atteindre sa valeur adulte définitive vers sept ans. Chez l’enfant plus grand, lorsque qu’un aspect de genu varum s’associe à un strabisme rotulien convergent, il faut suspecter un « faux » genu varum lié à la présence d’une antéversion fémorale accentuée. Dans ce cas, la correction de la convergence rotulienne par une rotation externe des deux membres inférieurs corrige l’aspect de genu varum (figure 3). Un problème doit être suspecté en cas d’asymétrie entre les deux membres inférieurs, ou lorsque le genu varum/valgum est très important. 




plantaire. La souplesse des pieds sera évaluée par la posiplacer ce test. Les pieds plats valgus sont physiologiques avant l’âge de quatre ans. Chez l’enfant plus âgé, ils sont le plus souvent souples et bénins. Les facteurs favorisant sont l’obésité, l’hyperlaxité, la présence de tendons d’Achille courts ainsi qu’une antéversion fémorale accentuée. Face à des pieds plats raides, non correctibles en position digitigrade, il faut suspecter une pathologie sous-jacente, principalement la présence d’une synostose. Un pied creux varus doit toujours faire rechercher une pathologie neurologique sous-jacente (dysraphisme médullaire, maladie de CharcotMarie-Tooth, etc.). L’examen se poursuit, patient en position assise pour tester la mobilité des différentes articulations au niveau des membres supérieurs. Deux types de mobilité peuvent être testées : mobilité active (par action volontaire du patient) et mobilité passive (mouvement réalisé par le médecin sans intervention du patient). Il existe de façon physiologique un léger cubitus valgus d’environ 12°. L’examen clinique des membres supérieurs sera guidé par le motif de consultation. 

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En décubitus dorsal, l’axe des membres inférieurs est évalué en position corrigée. La mobilité des différentes tiale. Seuls les tests utiles au médecin généraliste seront décrits ici. En étudiant la mobilité des articulations, une laxité ligamentaire et cutanée peut également être recherchée. En position de flexion de hanches et genoux, pieds à plats sur la table, les genoux doivent normalement être à la même hauteur. L’angle poplité est évalué en réalisant une extension forcée du genou, hanche fléchie à 90° (figure 4). Le membre opposé est en extension. Il faut vérifier que le patient ne « triche » pas en réalisant une lordose lombaire. Ce test permet de mettre en évidence une éventuelle rétraction des muscles ischiojambiers, cause fréquente de douleurs. Un angle poplité compris entre 0° et 30° peut être considéré comme normal. Une rétraction du muscle soléaire et/ou des muscles gastrocnémiens sera recherchée en réalisant une flexion dorsale forcée de la cheville, tout en réalisant une extension progressive du genou initialement fléchi. La flexion dorsale doit atteindre au minimum la position neutre (zéro degré). Si un équin (flexion plantaire non réductible de la cheville) est déjà présent genou fléchi, le muscle soléaire est rétracté. Si l’équin apparaît alors que l’on réalise l’extension du genou, les muscles gastrocnémiens sont rétractés. Lors de ce test, il est important de tenir le talon en varus, la fuite du talon en valgus pouvant masquer une rétraction du tendon d’Achille. Au niveau des pieds, la bissectrice du talon passe normalement entre le deuxième et le troisième orteil. Si cette ligne passe au-delà (vers les orteils externes), un metatarsus adductus doit être suspecté. L’examen se termine en décubitus ventral. Cette position peut être utile pour étudier la réductibilité d’une hypercyphose thoracique, en demandant au patient de redresser le tronc sans l’aide des mains. Une rétraction des muscles quadriceps (rectus femoris) est recherchée en fléchissant le genou au maximum, le patient devant normalement être capable de toucher sa fesse avec son pied (test d’Ely). Lors de ce test, il faut veiller à ce que le patient ne soulève pas la fesse. L’évaluation de l’antéversion fémorale se fait par l’étude des rotations de la hanche. Un excès d’antéversion se manifestera par une prédominance de la rotation interne sur la rotation externe (Figures 5a-b). A la naissance, le nourrisson présente une antéversion fémorale accentuée qui va progressivement diminuer avec l’âge, la valeur adulte étant généralement acquise vers l’âge de 10 ans. Les enfants présentant une antéversion fémorale accentuée adoptent souvent facilement la position assise « en M ». La torsion tibiale est évaluée par l’angle formé entre l’axe de la cuisse et l’axe du pied tenu en flexion neutre (Figure 6). Un examen neurologique sera réalisé en fonction de la pathologie suspectée. On profitera également de l’examen clinique pour évaluer discrètement le stade de développement pubertaire du patient (caractères sexuels secondaires selon les stades de Tanner) afin de le positionner le plus précisément possible sur sa courbe de croissance et évaluer la croissance résiduelle au niveau du rachis et des membres inférieurs. L’examen clinique sera peaufiné en fonction d’une éventuelle pathologie suspectée.

 

 

Cet article, destiné au grand public et rédigé par un rédacteur scientifique, reflète l'état des connaissances sur le sujet traité à sa date de mise à jour. L'évolution ultérieure des connaissances scientifiques peut le rendre en tout ou partie caduc. Il n'a pas vocation à se substituer aux recommandations et préconisations de votre médecin ou de votre pharmacien. Certaines anomalies des jambes ou des pieds, ou troubles orthopédiques, peuvent gêner la marche de l'enfant. La plupart du temps, ces anomalies sont anodines et se rectifient d'elles-mêmes avec la croissance. La surveillance médicale des troubles de la marche est prévue par les examens décrits dans le carnet de santé. Les troubles orthopédiques des pieds

Les jeunes enfants présentent souvent des troubles de la position des pieds : tournés vers l'intérieur ou l'extérieur, pieds plats, voire pied bot. Les pieds tournés vers l'intérieur Cette anomalie apparaît quand l'enfant commence à marcher. Elle peut être due à une incurvation des pieds, une torsion du tibia ou une mauvaise orientation du col du fémur, entraînant l'ensemble de la jambe vers l'intérieur. L'enfant marche normalement mais il a du mal à courir et tombe souvent. Dans la grande majorité des cas, cette anomalie se corrige d'elle-même lorsque l'enfant grandit. Dans les cas les plus gênants, le médecin prescrit une rééducation, la pratique d'une activité physique (par exemple, la bicyclette), voire le port d'attelles la nuit. Les pieds tournés vers l'extérieur Dans la plupart des cas, un enfant fait ses premiers pas avec les pieds en canard sans que cela soit inquiétant. Ses articulations du genou et du pied sont encore trop souples pour maintenir le pied bien droit. Avec le temps, l'enfant renforce sa musculature et consolide ses articulations. Mais, dans certains cas, cette particularité est provoquée par une torsion du tibia vers l'extérieur, souvent accompagnée d'un pied plat (voir ci-dessous). On observe alors une usure caractéristique de la semelle à l'emplacement des gros orteils. Très souvent héréditaire, cette anomalie tend à persister, même si la croissance peut améliorer la situation. Dans les cas sévères, une intervention chirurgicale peut être proposée. Les pieds plats chez les enfants Habituellement, la voûte du pied ne touche pas le sol. Lorsqu'un enfant a les pieds plats, la voûte plantaire est affaissée et le pied s'appuie sur toute sa surface. Jusqu'à six ou huit ans, les enfants ont tous les pieds un peu aplatis lorsqu'ils marchent : leur voûte plantaire est recouverte d'un petit coussinet de graisse et leurs muscles et leurs ligaments ne sont pas encore assez toniques pour maintenir la forme de la voûte. En position couchée, la voûte plantaire apparaît cependant bien formée. Dans certains cas rares, on observe un mauvais développement de la voûte plantaire qui peut être la conséquence de genoux cagneux ou d'une anomalie héréditaire. Souvent, les pieds plats ne posent aucun problème à l'enfant, même pour faire du sport. Mais si la marche devient pénible et si des douleurs apparaissent, il est nécessaire de consulter un médecin. Il pourra conseiller une rééducation et le port de semelles orthopédiques pour soutenir la voûte plantaire. Le pied bot Le pied bot est une malformation présente dès la naissance qui touche environ un nourrisson sur mille. Cette déformation est due au fait que les tendons et les muscles du pied sont trop courts, sans qu'on en connaisse la raison. Le pied est dévié vers l'intérieur. Un pied bot doit être traité le plus tôt possible après la naissance. Généralement, une simple rééducation du pied à base d'exercices d'étirement suffit pour corriger ce trouble, éventuellement associée à la pose d'attelles pendant la nuit. Le traitement se poursuit habituellement jusqu'à l'âge de cinq ou six ans. Dans les cas graves, une intervention chirurgicale peut être nécessaire. Les troubles orthopédiques des genoux et des jambes Parfois, chez les enfants, les jambes ne sont pas parfaitement droites. L'axe de la jambe peut être dévié vers l'intérieur (genoux cagneux) ou vers l'extérieur (jambes arquées). 

Les douleurs de croissance
Beaucoup d’enfants se plaignent de douleurs aux jambes, sans localisation précise, particulièrement après une journée bien remplie. Ces douleurs sont dites de croissance parce qu’elles sont souvent observées chez un enfant qui grandit. Elles pourraient s’expliquer par une fatigue des attaches des ligaments et des muscles sur les os, liée à des efforts musculaires pour corriger de mauvaises positions. Si ces douleurs sont fréquentes et gênent l’enfant, il peut être utile de consulter un médecin, au moins pour écarter toute anomalie orthopédique particulière.

 Les genoux cagneux ou "genu valgum" Il s'agit d'une déviation de l'axe des jambes qui, vues de face, prennent une allure en « X ». Ce trouble bénin apparaît vers l'âge de deux à trois ans du fait de la faible tonicité des muscles et des ligaments et, parfois, d'un poids trop élevé. L'enfant marche en se dandinant et tombe facilement en courant. Ce trouble s'accentue jusqu'à quatre ou cinq ans puis, dans la grande majorité des cas, disparaît vers dix ans. Le médecin recommande simplement une surveillance régulière, des exercices de gymnastique et des mesures contre l'excès de poids si nécessaire. Les jambes arquées ou "genu varum" À l'inverse des genoux cagneux, les jambes arquées prennent une allure en « 0 ». Ce trouble, généralement bénin, apparaît au moment de l'acquisition de la marche. Il est le plus souvent lié à la position des jambes du fœtus pendant la grossesse. Dans la plupart des cas, aucun traitement n'est nécessaire, les jambes se redressant progressivement pendant la croissance.

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