10 Oct

CONFÉRENCE INVITÉE

 Le passage placentaire des immunoglobulines Mots-clés : Placenta. Immunoglobulines. Grossesse. Immunité. Fœtus Placental immunoglobulin transfer Key-words (Index medicus): Placenta. Immunoglobulins. Pregnancy. Immunity. Fetus L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêt en relation avec le contenu de cet article. Élisabeth ELEFANT * RÉSUMÉ Le passage placentaire des immunoglobulines est un processus actif, particulièrement intense dans le dernier trimestre de la grossesse, qui implique le récepteur FcRn. Ce passage permet l’obtention d’une immunité passive protégeant l’enfant pendant ses premiers mois de vie grâce à un répertoire d’anticorps qui reflète l’expérience immunologique de la mère. Le transfert des anticorps de la mère à l’enfant est d’autant plus protecteur que l’enfant est à terme, que le taux d’immunoglobulines totales de la mère est normal, que son taux d’anticorps spécifiques est suffisant, que l’antigène est immunogène et que le placenta est intact. La protection de l’enfant peut être accrue par une vaccination maternelle en fin de grossesse dans des cas de pathologies graves chez le jeune enfant et/ou si une vaccination n’est pas possible dans les premiers mois de vie. La connaissance du mécanisme de transfert placentaire des immunoglobulines permet d’adapter les nouvelles thérapeutiques maternelles (biothérapies) afin d’en réduire l’impact fœtal et néonatal. 

INTRODUCTION

 Tout au long de la vie intra-utérine, les mécanismes de protection anti-infectieuse du fœtus sont multiples et mettent en jeu des systèmes complémentaires impliquant l’immunité innée au sein de la cavité utérine, ainsi que divers dispositifs biochimiques présents au niveau du tractus vaginal maternel (bouchon cervical, APPs — antimicrobial peptides and proteins — : lactoferrine, et α-défensines) et du liquide amniotique (CD14 soluble, lipopolysaccharides (LPS)-binding protein). En ce qui concerne l’immunité acquise, un nouveau-né normal, même à terme, présente une susceptibilité accrue aux infections en raison d’une relative immaturité fonctionnelle de son système immunitaire, en particulier pour la production d’immunoglobulines. Cet état persiste jusqu’à 2-3 mois de vie, période nécessaire à la maturation de ses effecteurs immunologiques propres. Jusqu’à cette date, le transfert passif d’anticorps maternels qui s’est tenu pendant la grossesse lui assure une certaine protection. PLACENTA Le placenta, interface complexe entre la mère et le fœtus, constitue le lien essentiel au développement et à la protection de ce dernier. Barrière placentaire Le placenta humain est de type hémochorial à trophoblaste villeux, c’est-à-dire caractérisé par une séparation complète entre les circulations maternelle et fœtale grâce à une interface tissulaire, la « barrière placentaire ». L’histologie de la « barrière » placentaire évolue tout au long de la grossesse. Elle est constituée par le trophoblaste (syncytiotrophoblaste multinucléé en surface et cytotrophoblaste en couche continue sous-jacente, qui va disparaître progressivement), le mésenchyme intravillositaire (qui contient fibroblastes et cellules de Hofbauer) et l’endothélium des capillaires fœtaux [1]. La notion de « barrière » souligne l’étanchéité entre les deux circulations sanguines et non l’absence de passage de substances à travers cette membrane. Le lieu des échanges se situe à la surface du syncytiotrophoblaste, dont les cellules polarisées ont leur pôle apical équipé de microvillosités au contact du sang maternel et leur pôle opposé (basal) en contact avec les capillaires fœtaux. La moyenne de la surface d’échange (c’est à dire la surface villositaire) varie de 3,4 m2 Bull. Acad. Natle Méd., 2012, 196, no 8, 1601-1612, séance du 20 novembre 2012 1602 à 28 semaines d’aménorrhée à 12,6 m2 à terme, et l’épaisseur de la barrière diminue de 50-100 μm au 2e mois à 4-5 μm à terme. La combinaison de l’augmentation de la surface d’échange et de la diminution de l’épaisseur de la barrière placentaire durant la grossesse permet d’assurer les besoins nutritionnels et énergétiques croissants du fœtus. Ces échanges ont lieu dans les deux directions, permettant ainsi également au fœtus de transférer dans le compartiment maternel des produits issus de son métabolisme. Passage placentaire Le passage des substances à travers le placenta s’effectue grâce à différents mécanismes : le transport passif (diffusion passive et diffusion facilitée), le transport actif et la pinocytose (endocytose-exocytose). La diffusion passive est la forme prédominante des échanges au niveau placentaire. Elle favorise le passage de molécules ayant un faible poids moléculaire (< 500 Da), très liposolubles et non ionisées [3]. Ces caractéristiques sont communes à la plupart des médicaments. En revanche, compte tenu de leur poids moléculaire élevé (environ 160 kDa), les immunoglobulines ne peuvent traverser le placenta par ce mode de transfert. La pinocytose (endocytose/exocytose) qui est un mode de passage placentaire tout à fait restreint, est impliquée dans le transfert de particules microbiologiques et de certaines macromolécules, dont les immunoglobulines. IMMUNOGLOBULINES 

Structure des immunoglobulines Les immunoglobulines humaines sont des glycoprotéines produites par les plasmocytes, douées de la fonction d’anticorps, présentes soit sous forme soluble dans le sang et les sécrétions, soit sous forme membranaire. La structure de base commune à toutes les immunoglobulines repose sur l’assemblage de quatre chaînes glycoprotéiques (deux lourdes et deux légères) sièges de boucles peptidiques contenant des ponts disulfures intra-caténaires (domaines), et reliées entre elles par leurs domaines complémentaires et des ponts disulfures inter-caténaires. L’assemblage final constitue une forme de Y ayant un poids moléculaire d’environ 160 kDa. La nature des chaînes lourdes (γ, μ, α, δ, ) détermine les classes d’immunoglobulines : IgG, IgM, IgA, IgD et IgE. Les bras courts du Y ou fragments Fab (antigen binding) et le bras long du Y, ou fragment Fc (fragment cristallisable), sont réunis par une zone charnière siège de ponts disulfures, de longueur variable en fonction des classes d’immunoglobulines. L’extrémité des bras courts des anticorps (NH2-terminale) est la région variable (siège de la liaison à l’antigène) et l’extrémité du bras long (COOH-terminale) est le siège de la région constante, zone effectrice (par fixation aux récepteurs cellulaires ou par activation du complément). Chaque type d’immunoglobuline est caractérisé entre autres par la longueur de ses chaînes (qui est Bull. Acad. Natle Méd., 2012, 196, no 8, 1601-1612, séance du 20 novembre 2012 1603 déterminée par le nombre de domaines constants), par la longueur de sa zone charnière, ainsi que l’emplacement et le nombre de ses ponts disulfures. Spécificités des classes d’immunoglobulines Dans le sang circulant, 80 % des immunoglobulines sont des IgG. Elles sont réparties en quatre sous-classes (IgG1, IgG2, IgG3 et IgG4). Leur demi-vie est de vingt-trois jours en moyenne, hormis pour les IgG3 dont la demi-vie est de sept jours environ. Les IgG1 viennent en tête (66 %), suivent les IgG2 (23 %), les IgG3 (7 %) et les IgG4 (4 %). Les IgGA (10 à 15 % des immunoglobulines circulantes, demi-vie plasmatique de six jours) sont présentes essentiellement dans les sécrétions exocrines (bronchiques, digestives, lait, etc.) sous forme de dimères liés par une chaîne J. Leur spécificité repose sur leur transcytose épithéliale, assurant un rôle protecteur au niveau des sécrétions (immunité locale). Les autres immunoglobulines (M, D et E) représentent respectivement 6, 0.1 et 0.002 % des immunoglobulines circulantes. Leur demi-vie plasmatique est de quelques jours. Seule la structure des IgM est particulière, puisque constituée de cinq structures élémentaires. Ces immunoglobulines sont impliquées dans la réponse primaire, et sont les seuls anticorps produits par des antigènes thymo-indépendants. Les IgD ont un rôle moins bien connu, et les IgE, très fortement liés aux basophiles et aux mastocytes, sont essentiellement impliquées dans l’hypersensibilité de type I dite immédiate (allergie, anaphylaxie) par dégranulation cellulaire et histamino-libération [4]. PASSAGE PLACENTAIRE DES IMMUNOGLOBULINES Parmi les cinq classes d’immunoglobulines, seules les IgG franchissent normalement le placenta. Les concentrations fœtales d’IgA augmentent en cours de grossesse mais elles restent très faibles puisqu’elles s’élèvent à la naissance au millième des taux maternels [5]. Les IgE restent localisées sur les cellules de Hofbauer du stroma villositaire [6], et, comme les IgM et les IgD, ne passent pas dans le compartiment fœtal [5]. En conséquence, l’étude du passage placentaire des immunoglobulines concerne essentiellement celle les IgG. Mise en évidence du passage placentaire des IgG Rôle du fragment Fc La digestion par la papaïne d’une immunoglobuline G libère trois fragments : deux fragments Fab et un fragment Fc. Ceux-ci, radiomarqués et injectés à des lapines en fin de gestation, passent très différemment le placenta : les deux fragments Fab (reconnaissance de l’antigène) passent environ six à dix fois moins que le fragment Fc (activité immunologique), lequel passe pour sa part au moins aussi bien que la molécule intacte [7]. Cette observation a été reproduite chez l’humain, puisque Bull. Acad. Natle Méd., 2012, 196, no 8, 1601-1612, séance du 20 novembre 2012 1604 Gitlin et al., après avoir injecté des immunoglobulines radiomarquées par de l’I131 et lysées par la papaïne à cent trente-trois femmes enceintes avant leur accouchement, observe un passage placentaire des fragments Fab quatre à dix fois moindre par rapport à celui du fragment Fc ou de la molécule entière [8]. Hypothèse d’un récepteur placentaire spécifique du fragment Fc Ces observations ont permis de suggérer que la partie immunologiquement active des IgG (portée par le fragment Fc) était impliquée dans leur passage placentaire. L’hypothèse de l’existence d’un récepteur placentaire spécifique a donc été avancée. En effet, différents récepteurs membranaires des IgG (FcγRs — FcγRI, FcγRIIa-c, FcγRIII) avaient déjà été identifiés dans différents tissus (puis dans le placenta), où leur fonction est d’assurer une modulation des effecteurs de la réponse immune [9]. Selon Simister, parmi tous les récepteurs FcγRs présents au sein du placenta, FcRn, récepteur du fragment Fc des IgG découvert initialement dans le plateau strié d’entérocytes de rats nouveau-nés pouvait être l’effecteur déterminant [10]. Identification du récepteur placentaire spécifique des IgG : FcRn L’équipe de Firan et al. [11] a confirmé en 2001 l’hypothèse de Simister. Une IgG1 radiomarquée, qui à l’état natif se fixe sur FcRn et passe bien le placenta, a été mutée sur une histidine ce qui l’empêche de se fixer sur FcRn. Sur un modèle de cotylédon humain perfusé in vitro, cette IgG1 ne passe plus le placenta comparé à l’IgG1 native. Les auteurs déduisent de ces résultats le rôle primordial de FcRn dans le passage placentaire des IgG, et ils notent par ailleurs sur ce modèle, que FcRn est saturable. FcRn Fonctions Le récepteur FcRn est présent à la surface de nombreuses cellules de l’organisme : cellules endothéliales, hématopoïétiques et épithéliales (intestin, foie, reins, poumon, barrière hémato-encéphalique, glande mammaire et placenta). D’une manière générale, il intervient dans l’homéostasie et le transport transépithélial/transendothélial des IgG [12] et joue également un rôle important de recyclage des IgG, ce qui diminue leur catabolisme et augmente leur demi-vie [13]. Caractéristiques FcRn est une protéine membranaire hétérodimère, composée d’une chaîne α transmembranaire de 40-45 kDa, associée de façon non covalente à une β2-microglobuline. Sa structure est proche du complexe d’histocompatibilité de classe I [14]. Ses ligands principaux sont les immunoglobulines et l’albumine. Contrairement aux Bull. Acad. Natle Méd., 2012, 196, no 8, 1601-1612, séance du 20 novembre 2012 1605 autres récepteurs FcγRs, sa particularité repose sur une pH-dépendance, l’affinité pour son ligand étant cent fois plus faible à pH neutre (7,4) qu’à pH acide (6). Mécanisme de transfert placentaire des IgG par FcRn Selon les hypothèses les plus récentes, le mécanisme de transfert des immunoglobulines G serait le suivant : après une phase de pinocytose par la membrane plasmique du syncytiotrophoblaste, l’IgG est liée à FcRn au sein de vésicules d’endocytose en phase liquide et à pH acide, et transportée sous cette forme à travers le syncytiotrophoblaste, ce qui la protège d’une dégradation lysosomale. Une fois le transit de la vésicule achevé au pôle basal du syncytiotrophoblaste, le complexe FcRn-IgG est relargué et l’immunoglobuline dissociée du récepteur FcRn en raison du pH neutre de la membrane basale. L’IgG franchit la lame basale du syncytiotrophoblaste puis passe à travers les capillaires fœtaux directement (au niveau des villosités terminales), ou après un transit dans le stroma (au niveau des villosités intermédiaires ou primaires). Ce mécanisme de transfert peut en théorie également s’effectuer du fœtus vers la mère, assurant une bidirectionnalité aux échanges materno-fœtaux [15]. Ce mécanisme assure un transfert « actif » des IgG vers le compartiment fœtal et évite leur dégradation au sein du placenta. Localisation placentaire de FcRn La détection du mRNA ou des chaînes α de FcRn sur du placenta in situ ou in vitro, permet de localiser le récepteur dans les différentes structures placentaires. Dans le cytotrophoblaste on retrouve peu de FcRn, et son expression augmente parallèlement à la différenciation du cyto- en syncytiotrophoblaste [16]. Dans ce dernier, FcRn est présent à partir de la 14e semaine d’aménorrhée où il est plus exprimé dans les endosomes que sur la membrane apicale [16, 17]. On ne le retrouve pas sur les cellules de Hofbauer du stroma villositaire [18], mais il est présent en grandes quantités sur les cellules endothéliales des capillaires fœtaux [15]. PASSAGE PLACENTAIRE DES IgG ET ÂGE GESTATIONNEL Le transport placentaire des IgG commence vers 13 semaines d’aménorrhée (SA) dans l’espèce humaine [9]. Ce transport progresse de façon linéaire en cours de grossesse. Entre 17 et 22 SA le fœtus dispose de 5 à 10 % des taux maternels. Vers 28-32 SA, ces taux s’élèvent à 50 %, et la majorité des IgG fœtales est acquise au-delà de 36 SA, puisqu’à terme le nouveau-né dispose de 120 à 130 % des concentrations maternelles, preuve de son transfert actif [5]. Sur le plan qualitatif, la nature des anticorps transmis à l’enfant dépend étroitement de l’expérience immunologique de la mère qui transmet son propre répertoire d’anticorps (au moins pour les antigènes protéiques thymo-dépendants) [19]. Bull. Acad. Natle Méd., 2012, 196, no 8, 1601-1612, séance du 20 novembre 2012 1606 Il ne semble pas que l’âge maternel, la parité, le mode d’accouchement, le poids ou la taille de la mère aient une influence sur le transfert des anticorps [20]. En revanche, l’âge gestationnel est un facteur déterminant pour le niveau de protection néonatale, les prématurés disposant d’une quantité significativement réduite d’immunoglobulines totales et spécifiques à la naissance, en particulier pour des antigènes dont la prévention est possible par une vaccination (diphtérie, tétanos, poliomyélite, coqueluche, Haemophilus influenza type b (Hib), méningocoque C, etc.) [20, 21, 22, 23]. PASSAGE PLACENTAIRE DES SOUS-CLASSES D’IgG Pour des raisons non élucidées (peut-être liées à des affinités différentes pour les récepteurs), les différentes sous-classes d’IgG passent le placenta dans des proportions assez différentes. Ce sont les IgG1 qui passent le plus. En règle générale, elles sont suivies par les IgG4, les IgG3 puis les IgG2 [19, 23, 24]. Ces résultats peuvent varier en fonction des populations étudiées, la corrélation entre les taux maternels et néonataux restant toujours positive [25, 26]. Le passage placentaire des immunoglobulines dirigées contre des antigènes thymo-dépendants (protéiques), semble donc a priori plus important que celui des immunoglobulines d’antigènes thymoindépendants de type I et II (lipopolysaccharides et polysaccharides) [19, 27]. Ceci pourrait peut-être en partie expliquer la relative sensibilité des nouveau-nés aux agents pathogènes encapsulés (du type streptocoque B), et en particulier les prématurés [24]. Enfin, les enfants nés à terme avec un retard de croissance intra untérin, ont moins d’IgG, au détriment principal des IgG1 et des IgG2 [28]. 

TAUX MATERNELS D’IgG ET PASSAGE PLACENTAIRE 

Bien que FcRn soit saturable, en règle générale le taux d’anticorps chez un enfant à la naissance est positivement corrélé à celui de sa mère [22]. La quantité d’IgG transmise au fœtus dépend du nombre de récepteurs FcRn à la surface du syncytiotrophoblaste, dans la mesure où toute IgG non liée à FcRn est détruite par les enzymes lysosomales intravésiculaires cytoplasmiques. Dans certaines conditions maternelles, où le taux d’IgG totales est particulièrement élevé, le ratio cordon/mère diminue, indiquant une réduction du transfert actif des immunoglobulines totales vers le compartiment fœtal par saturation des récepteurs placentaires. Michaux et al. [29] a estimé qu’à partir d’un taux d’immunoglobulines maternelles totales de 15 g/L, le ratio cordon/mère s’inversait. Le nouveau-né dont la mère a un taux d’anticorps élevé (supérieur à 15g/L) a des concentrations d’IgG inférieures à celle-ci, phénomène qui s’inverse lorsque le taux d’anticorps maternels est moyen (inférieur à 15g/L). Ceci corrobore le caractère saturable de FcRn et est décrite dans des populations très distinctes (Afrique, Europe, Amérique latine, etc.) [26, 30, 31]. Cette corrélation négative, s’observe également pour le transfert d’IgG spécifiques. En Afrique, plus le taux d’IgG totales maternelles est élevé, plus le taux d’anticorps Bull. Acad. Natle Méd., 2012, 196, no 8, 1601-1612, séance du 20 novembre 2012 1607 spécifiques (tétanos, rougeole, etc.) est bas chez les nouveau-nés, voire non protecteurs, malgré l’existence de taux protecteurs chez la mère [32, 33]. Il ne semble pas s’agir d’un problème ethnique, mais bien la conséquence d’une stimulation immunologique maternelle importante liée à l’environnement, puisque chez les mères africaines vivant en France le passage placentaire des IgG est identique à celui des mères européennes. PATHOLOGIES MATERNELLES ET TRANSPORT PLACENTAIRE DES IgG Si l’impact de certaines pathologies maternelles chroniques ou gravidiques courantes (HTA, diabète, pré-éclampsie, etc.) sur le passage placentaire des IgG n’est pas connu, le rôle du contexte maternel infectieux (VIH) et des lésions placentaires (paludisme) a été décrit. Dans le cas du paludisme, on observe une chute de 50 % des anticorps antitétaniques, antiherpétiques et antivaricelleux à la naissance chez les enfants dont le placenta est très infecté (plus de 35 parasites pour 200 globules blancs) [34, 35, 36], et ce de façon indépendante d’une hyper-gammaglobulinémie maternelle. Environ 10 % des enfants dans ce contexte ont des taux d’anticorps antitétaniques non protecteurs à la naissance en dépit d’une protection maternelle adéquate [34]. Chez les mères infectées par le VIH, dont le taux d’IgG totales est généralement élevé, les anticorps spécifiques contre la rougeole, le tétanos, le Hib, la coqueluche et le pneumocoque sont considérablement diminués, entrainant une chute proportionnelle de ces immunoglobulines spécifiques chez les nouveau-nés, même séronégatifs pour le VIH [37, 38].

 RÔLE DE L’IMMUNISATION MATERNELLE SUR LE PASSAGE DES IgG 

Une des applications cliniques majeures de l’étude du passage placentaire des IgG, concerne la protection du nouveau-né et du nourrisson contre les infections, le temps que ses propres capacités immunologiques soient matures. Afin d’améliorer cette protection passive, des programmes de vaccination maternelle ont été entrepris en fin de grossesse. Leur efficacité dépend étroitement du délai entre la vaccination et l’accouchement, de l’âge gestationnel à la naissance, du taux d’IgG maternelles totales et du taux d’IgG spécifiques post-vaccinales. Le bénéfice néonatal a été clairement démontré pour le tétanos et a été récemment illustré par des campagnes de vaccination contre la grippe et la coqueluche en cours de grossesse. Pour la grippe saisonnière, les conclusions de plusieurs études, dont une étude prospective contre placebo avec un suivi clinique et biologique des enfants jusqu’à l’âge de 24 semaines, sont les suivantes : la réponse immunitaire des femmes enceintes est identique à celle des autres femmes et le nombre d’infections respiratoires avec fièvre est significativement diminué chez elles. Chez les enfants, des anticorps spécifiques sont présents à taux protecteurs jusqu’à l’âge de2à3 mois, et, dans les 6 premiers mois de vie, ils Bull. Acad. Natle Méd., 2012, 196, no 8, 1601-1612, séance du 20 novembre 2012 1608 présentent 50 à 60 % moins de grippes, 50 à 90 % moins d’hospitalisations pour grippe et 40 % moins d’infections respiratoires avec fièvre [39-43]. Ces résultats ont conduit le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) à recommander la vaccination contre la grippe saisonnière 2012-2013 en France à toutes les femmes enceintes, quel que soit le trimestre de la grossesse [44]. Pour la coqueluche, à la lumière de résultats similaires, la vaccination est recommandée aux USA entre 27 et 36 SA [45]. 

TRANSFERT PLACENTAIRE ET BIOTHÉRAPIES

 Le recours à des thérapeutiques élaborées pour tout ou partie à partir d’immunoglobulines humaines est effectif depuis quelques années. Les biothérapies immunomodulatrices sont des traitements obtenus par génie biologique. Il s’agit pour l’essentiel d’anticorps monoclonaux ou de fractions protéiques actives fusionnées à un fragment Fc d’immunoglobuline [46]. Au sein d’une classe spécifique de biothérapies, la connaissance de la structure des molécules et de leur passage placentaire, permet d’adapter au mieux le choix thérapeutique afin de préserver l’efficacité maternelle tout en protégeant au mieux le fœtus des conséquences éventuelles du passage du traitement (immunosuppression). Ainsi, parmi la classe des anti-TNFα, traitements de pathologies inflammatoires rhumatismales et digestives, l’approche comparative des molécules permet, en cours de grossesse, à la lumière des connaissances sur le mécanisme du passage placentaire des IgG, de privilégier l’étanercept (protéine de fusion avec un fragment Fc remanié d’IgG1) ou le certolizumab (fragment Fab pégylé) dont le passage placentaire est en toute logique réduit (environ 8 % et < 3 % respectivement) [47, 48], par rapport à l’infliximab et à l’adalimumab (plus de 100 %), qui sont des IgG1 entières [48-50]. CONCLUSION Le passage placentaire des immunoglobulines G est un processus actif, particulièrement intense dans le dernier trimestre de la grossesse, qui implique le récepteur FcRn au niveau du syncytiotrophoblaste. Il permet l’obtention d’une immunité passive qui protège l’enfant avant qu’il soit en âge d’être vacciné, grâce à un répertoire d’anticorps qui reflète l’expérience immunologique de sa mère. Le transfert des anticorps de la mère à l’enfant est d’autant plus protecteur que l’enfant est à terme, que le taux d’immunoglobulines totales de la mère est normal, que son taux d’anticorps spécifiques est suffisant, que l’antigène est immunogène et que le placenta est intact. Une meilleure connaissance des mécanismes du passage placentaire des IgG permet d’ouvrir des perspectives bénéfiques pour le nouveau-né. La vaccination maternelle en fin de grossesse en est un exemple déjà mis en œuvre dans certains pays sous la forme de recommandations de vaccination contre le tétanos, la grippe saisonnière et la coqueluche en fin de grossesse. La connaissance de la Bull. Acad. Natle Méd., 2012, 196, no 8, 1601-1612, séance du 20 novembre 2012 1609 structure de nouvelles thérapeutiques immunosuppressives obtenues par génie biologique (biothérapies) à partir de tout ou parties d’IgG permet également de prévoir, en fonction des parties impliquées, leur passage placentaire et donc leurs possibilités d’utilisation en cours de grossesse. BIBLIOGRAPHIE 

[1] Gude N.M., Roberts C.T., Kalionis B., King R.G. — Growth and function of the normal human placenta. Thromb. Res., 2004, 114, 397-407. [2] Aherne W., Dunnill M.S. — Morphometry of the human placenta. Br. Med. Bull., 1966, 22, 5-8. [3] Elefant E., Beghin D. — Placental transfer of drugs. Bull. Acad. Natl. Med.., 2009, 193, 1043-54. [4] Kolopp-Sarda M.N. — Les immunoglobulines et leurs fonctions. [En ligne]. Disponible sur : (consulté le 24 mai 2013). [5] Malek A., Sager R., Kuhn P. et al. — Evolution of maternofetal transport of immunoglobulins during human pregnancy. Am. J. Reprod. Immunol., 1996, 36, 248-55. [6] Rindsjö E., Joerink M., Papadogiannakis N., Scheynius A. — IgE in the human placenta: why there? Allergy, 2010, 65, 554-60. [7] Brambell F.W., Hemmings W.A., Oakley C.L., Porter R.R. — The relative transmission of the fractions of papain hydrolyzed homologous gamma-globulin from the uterine cavity to the fœtal circulation in the rabbit. Proc. R. Soc. Lond. B. Biol. Sci., 1960, Mar 1, 151, 478-82. [8] Gitlin D., Kumate J., Urrusti J., Morales C. — The selectivity of the human placenta in the transfer of plasma proteins from mother to fetus. J. Clin. Invest., 1964, 43, 1938-51. [9] Simister N.E., Rees A.R. — Isolation and characterization of an Fc receptor from neonatal rat small intestine. Eur. J. Immunol., 1985, 15, 733-8. [10] Firan M., Bawdon R., Radu C. et al — The MHC class I-related receptor, FcRn, plays an essential role in the maternofetal transfer of gamma-globulin in humans. Int. Immunol., 2001, 13, 1993-1002. [11] Kane S.V., Acquah L.A. — Placental transport of immunoglobulins: a clinical review for gastroenterologists who prescribe therapeutic monoclonal antibodies to women during conception and pregnancy. Am. J. Gastroenterol., 2009, 104, 228-33. [12] Suzuki T., Ishii-Watabe A., Tada M. et al — Importance of neonatal FcR in regulating the serum half-life of therapeutic proteins containing the Fc domain of human IgG1: a comparative study of the affinity of monoclonal antibodies and Fc-fusion proteins to human neonatal FcR. J. Immunol., 2010, 184, 1968-76. [13] Simister N.E., Mostov K.E. — An Fc receptor structurally related to MHC class I antigens. Nature, 1989, 337, 84-7. [14] Ellinger I., Fuchs R. — HFcRn-mediated transplacental immunoglobulin G transport: protection of and threat to the human fetus and newborn. Wien. Med. Wochenschr., 2012, 162, 207-13. [15] Szlauer R., Ellinger I., Haider S. et al — Functional expression of the human neonatal Fc-receptor, hFcRn, in isolated cultured human syncytiotrophoblasts. Placenta, 2009, 30, 507-15. Bull. Acad. Natle Méd., 2012, 196, no 8, 1601-1612, séance du 20 novembre 2012 1610 [16] Kristoffersen E.K. — Human placental Fc gamma-binding proteins in the maternofetal transfer of IgG. APMIS Suppl., 1996, 64, 5-36. [17] Desesso J.M., Williams A.L., Ahuja A. et al — The placenta, transfer of immunoglobulins, and safety assessment of biopharmaceuticals in pregnancy. Crit. Rev. Toxicol., 2012, 42, 185-210. [18] Saji F., Samejima Y., Kamiura S., Koyama M. — Dynamics of immunoglobulins at the feto-maternal interface. Rev. Reprod., 1999, 4, 81-9. [19] Palmeira P., Quinello C., Silveira-Lessa A.L. et al — IgG placental transfer in healthy and pathological pregnancies. Clin. Dev. Immunol., 2012, 2012, 985646. [20] Van Den Berg J.P., Westerbeek E.A., Berbers G.A. et al — Transplacental transport of IgG antibodies specific for pertussis, diphtheria, tetanus, haemophilus influenzae type b, and Neisseria meningitidis serogroup C is lower in preterm compared with term infants. Pediatr. Infect. Dis. J., 2010, 29, 801-5. [21] Silveira Lessa A.L., Krebs V.L., Brasil T.B. et al — Preterm and term neonates transplacentally acquire IgG antibodies specific to LPS from Klebsiella pneumoniae, Escherichia coli and Pseudomonas aeruginosa. FEMS Immunol. Med. Microbiol., 2011, 62, 236-43. [22] Van Den Berg J.P., Westerbeek E.A., Van Der Klis F.R. et al — Transplacental transport of IgG antibodies to preterm infants: a review of the literature. Early Hum. Dev., 2011, 87, 67-72. [23] Costa-Carvalho B.T., Vieria H.M., Dimantas R.B., Arslanian C. et al — Transfer of IgG subclasses across placenta in term and preterm newborns. Braz. J. Med. Biol. Res., 1996, 29, 201-4. [24] Garty B.Z., Ludomirsky A., Danon Y.L. et al — Placental transfer of immunoglobulin G subclasses. Clin. Diagn. Lab. Immunol., 1994, 1, 667-9. [25] Hashira S., Okitsu-Negishi S., Yoshino K. — Placental transfer of IgG subclasses in a Japanese population. Pediatr. Int., 2000, 42, 337-42. [26] Okoko B.J., Wesuperuma L.H., Ota M.O. et al — Influence of placental malaria infection and maternal hypergammaglobulinaemia on materno-fœtal transfer of measles and tetanus antibodies in a rural west African population. J. Health Popul. Nutr., 2001, 19, 59-65. [27] De Voer R.M., Van Der Klis F.R., Nooigedagt J.E. et al — Seroprevalence and placental transportation of maternal antibodies specific for Neisseria meningitidis serogroup C, Haemophilus influenzae type B, diphtheria, tetanus, and pertussis. Clin. Infect. Dis., 2009, 49, 58-64. [28] Okoko B.J., Wesumperuma H.L., Fern J. et al — The transplacental transfer of IgG subclasses: influence of prematurity and low birthweight in the Gambian population. Ann. Trop. Paediatr., 2002, 22, 325-32. [29] Michaux J.L., Heremans J.F., Hitzig W.H. — Immunoglobulin levels in cord-blood serum of negroes and Caucasians. Trop. Geogr Med., 1966, 18, 10-4. [30] Hartter H.K., Oyedele O.I.., Dietz K., Kreis S. et al — Placental transfer and decay of maternally acquired antimeasles antibodies in Nigerian children. Pediatr. Infect. Dis. J., 2000, 19, 635-41. [31] Mäntyjärvi R., Hirvonen T., Toivanen P. — Maternal antibodies in human neonatal sera. Immunology, 1970, 18, 449-51. [32] Gendrel D., Richard-Lenoble D., Blot P., Fribourg-Blanc A. — Transfer of measles immunoglobulins and antibodies from mother to child in Africa and Europe. Presse Med., 1988, 24, 17, 1633-6. [33] Gendrel D., Richard-Lenoble D., Massamba M.B. et al — Placental transfer of tetanus antibodies and protection of the newborn. J. Trop. Pediatr., 1990, 36, 279-82. Bull. Acad. Natle Méd., 2012, 196, no 8, 1601-1612, séance du 20 novembre 2012 1611 [34] Brair M.E., Brabin B.J., Milligan P. et al — Reduced transfer of tetanus antibodies with placental malaria. Lancet, 1994, 343, 208-9. [35] Okoko B.J., Wesumperuma L.H., Ota M.O. et al — The influence of placental malaria infection and maternal hypergammaglobulinemia on transplacental transfer of antibodies and IgG subclasses in a rural West African population. J. Infect. Dis., 2001, 184, 627-32. [36] Cumberland P., Shulman C.E., Maple P.A. et al — Maternal HIV infection and placental malaria reduce transplacental antibody transfer and tetanus antibody levels in newborns in Kenya. J. Infect. Dis., 2007, 196, 550-7. [37] Jones C.E., Naidoo S., De Beer C. et al — Maternal HIV infection and antibody responses against vaccine-preventable diseases in uninfected infants. JAMA, 2011, 305, 576-84. [38] Scott S., Cumberland P., Shulman C.E. et al — Neonatal measles immunity in rural Kenya: the influence of HIV and placental malaria infections on placental transfer of antibodies and levels of antibody in maternal and cord serum samples. J. Infect. Dis., 2005, 191, 1854-60. [39] Zaman K., Roy E., Arifeen S.E.. et al — Effectiveness of maternal influenza immunization in mothers and infants. N. Engl. J. Med., 2008, 359, 1555-64. [40] Steinhoff M.C., Omer S.B., Roy E. et al. — Influenza immunization in pregnancy-antibody responses in mothers and infants. N. Engl. J. Med., 2010, 362, 1644-6. [41] Benowitz I., Esposito D.B., Gracey K.D. et al — Influenza vaccine given to pregnant women reduces hospitalization due to influenza in their infants. Clin. Infect. Dis., 2010, 51, 1355-61. [42] Eick A.A., Uueki T.M., Klimov A. et al — Maternal influenza vaccination and effect on influenza virus infection in young infants. Arch. Pediatr. Adolesc. Med., 2011, 165, 104-11. [43] Poehling K.A., Szilagyi P.G., Staat M.A. et al. — New Vaccine Surveillance Network. — Impact of maternal immunization on influenza hospitalizations in infants. Am. J. Obstet. Gynecol., 2011, 204, S141-8. [44] Ministère des affaires sociales et de la santé — Vaccination contre la grippe — saison 2012-2013 : Questions / Réponses — Professionnels de santé [en ligne]. Disponible sur : (consulté le 24 mai 2013). [45] Advisory Committee on immunization practices (ACIP), 2012. Centers for Disease Control and Prevention (CDC). — Updated recommendations for use of tetanus toxoid, reduced diphtheria toxoid, and acellular pertussis vaccine (Tdap) in pregnant women. MMWR Morb. Mortal. Wkly. Rep., 2013, 62, 131-5 [46] Arnaud L., Haroche J., Piette JC., Amoura Z. — Biotherapy of auto-immune diseases: past, present, and future perspectives. Presse Med., 2009, 38, 749-60. [47] Murashima A., Watanabe N., Ozawa N. — Etanercept during pregnancy and lactation in a patient with rheumatoid arthritis: drug levels in maternal serum, cord blood, breast milk and the infant’s serum. Ann. Rheum. Dis., 2009, 68, 1793-4. [48] Mahadevan U., Wolf D.C., Dubinsky M. et al — Placental transfer of anti-tumor necrosis factor agents in pregnant patients with inflammatory bowel disease. Clin. Gastroenterol. Hepatol., 2013, 11, 286-92. [49] Zelinkova Z., De Haar C., De Ridder L. et al. — High intra-uterine exposure to infliximab following maternal anti-TNF treatment during pregnancy. Aliment. Pharmacol. Ther., 2011, 33, 1053-8. [50] Steenholdt C., Al-Khalaf M., Ainsworth M.A., Brynskov J. — Therapeutic infliximab drug level in a child born to a woman with ulcerative colitis treated until gestation week 31. J. Crohns Colitis., 2012, 6, 358-61. Bull. Acad. Natle Méd., 2012, 196, no 8, 1601-1612, séance du 20 novembre 2012 1612

Médecine Tropicale • 2011 • 71 • 4 371 Symposium 

Dans l’espèce humaine, seules les immunoglobulines de type IgG sont transmise de la mère à l’enfant. Ce transfert transplacentaire est un transfert actif à partir de récepteursspécifiquessitués sur le versant maternel du placenta, résultant en une concentration de cesIgG.Ainsi, dansle sang du cordon du nouveau-né à terme, lestaux d’IgG sont supérieurs au taux d’IgG du sang maternel. Les prématurés ont des taux d’IgG bas car le transfert n’est pas complet, la situation étant la même au cours de pathologies placentaires. En zone tropicale, le transfert placentaire des anticorps est important, mais limité par le taux très élevé des IgG circulantes. Protection du jeune enfant La demi-vie des IgG est d’une vingtaine de jours. Le niveau des anticorps transmis n’est donc protecteur pendant les premier mois vie que si le taux délivré initialement est élevé. Si on prend l’exemple de la rougeole, la plupart des mères transmettent des anticorps à leurs enfants, mais dans plus de 30 % des cas, ces anticorps sont bas et vont disparaitre avant le 3ème mois de vie. Cela explique donc qu’au cours de l’épidémie récente de rougeole en France, on ait constaté une infection chez de très jeunes enfants. Les anticorps anti-varicelleux sont aussi transmis à l’enfant, mais environ 5 % des femmes enceintes n’ont pas d’anticorps antivaricelleux. Il existe alors un risque en période néonatale pour l’enfant mais surtout pour la mère, qui au moment de l’accouchement peut faire une varicelle grave si elle a été en contact avec un enfant varicelleux. Quant à la coqueluche, les différents anticorps sont transmis de façon variable et la protection sérique est loin d’être constante si le taux d’anticorps maternel est faible. Transfert des anticorps en zone tropicale En zone tropicale, les multiples stimulations immunitaires dues aux parasites et autres infections entrainent une augmentation considérable du taux des IgG. Dans une étude précédente comparant les femmes enceintes à Paris et en Afrique, nous avions montré que les taux d’IgG étaient doubles chez les mères africaines vivant en Afrique par rapport aux taux observés chez les mères vivant à Paris, qu’elles soient d’origine africaine ou européenne (figures 1 et 2) (1, 2). Med Trop 2011 ; 71 : 371-372 Transfert transplacentaire des anticorps, vaccination de la mère et protection de l’enfant Gendrel D Pédiatrie générale, Hôpital Necker, 149 rue de Sèvres, 75015 Paris RÉSUMÉ • En zone tropicale, lestaux d’IgG totales et d’anticorps anti-rougeoleux ou antitétaniques du sang du cordon sont inférieurs aux valeurs observées dansle sang de la mère, en raison de l’excès d’IgG circulantes maternelles. Maisla principale raison de vacciner lesfemmes enceintes est de les protéger contre les maladies virales, et des recommandations apparaissent pour vacciner pendant la grossesse contre la grippe 

MOTS-CLÉS • Immunité. Transmission mère-enfant. Rougeole. Tétanos. Zone tropicale. PLACENTAL 

TRANSFER OF ANTIBODIES, VACCINATION OF THE MOTHER AND PROTECTION OF THE NEWBORN ABSTRACT •

 In tropical zones, total IgG rates and measles or tetanus antibodies are lower in umbilical cord blood than in maternal circulation due to excess circulating IgG in the mother. However the main reason for vaccinating expectant women is to protect against viral disease. Recommendations appear to be in favor of flu vaccination during pregnancy. KEY WORDS • Immunity. Mother-child transmission. Measles. Tetanus. Tropical zone. • Correspondance : dominique.gendrel@nck.aphp.fr Afrique Paris Afr/Paris Mère Cordon 25 20 15 10 5 0 Figure 1. Moyennes des IgG totales observées dans le sang de la mère et le sang du cordon en Afrique (Libreville), à Paris et chez des femmes africaines vivant à Paris (d’après 1). 371-372 - SYMP gendrel:ao 1/09/11 17:03 Page 371 372 Médecine Tropicale • 2011 • 71 • 4 Gendrel D Cet excès d’IgG va entrainer une anomalie dans le transfert transplacentaire des anticorps. En effet le transfert actif se fait après fixation à des récepteurs spécifiques sur le versant maternel du placenta. Ces récepteurs sont saturés par l’excès d’IgG et le transfert se fait de façon moins importante. En zone tropicale, les taux d’IgG totales et d’anticorps anti-rougeoleux ou antitétaniques du sang du cordon sont inférieurs aux valeurs observées dans le sang de la mère. Cela explique en particulier que pour protéger contre le tétanos, il faille refaire une nouvelle injection d’anatoxine pendant la première grossesse en zone tropicales et ne pas compter uniquement sur la transmission transplacentaire seule pour protéger le nouveauné. La mère peut en effet avoir des taux d’anticorps à la limite inférieure de la protection après vaccination dans l’enfance, et qui sont peu transmis ou le sont mal aux nouveau-nés. Perspectives de la vaccination de la mère La protection de l’enfant va donc dépendre de l’état d’immunisation de la mère. Il est bien sûr difficile pour l’instant de prôner des vaccinations systématiques chez une femme enceinte, surtout avec un vaccin vivant. Il faut seulement rappeler que les vaccinations antitétaniques pendant la grossesse font parti du programme élargi de vaccinations et sont appliquées à des millions de femmes tous les ans. Il est donc important de s’assurer que la mère va délivrer à son enfant des taux d’anticorps suffisants. La protection sera assurée au mieux par un rappel récent précédant la grossesse car le renforcement de l’immunité naturelle par la rencontre avec le pathogène circulant devient plus rare dans nos pays. Pour la coqueluche, dans les pays à faible couverture vaccinale, un grand nombre de coqueluches-maladies est observé chez les enfants de 2 à 10 ans, alors qu’on ne rencontre que peu de coqueluches dans la première année de vie. En effet, les mères sont en contact répété avec les grands enfants porteurs du bacille et vont de la sorte augmenter leurs anticorps et transmettre une protection importante aux nouveau-nés. Au contraire, dans les pays à couverture vaccinale plus élevée, la circulation du pathogène est faible et les mères ont des anticorps bas, donc la majorité des coqueluches est observée pendant la première année. La seule solution est donc le rappel vaccinal avant la grossesse, qui de plus évite à la mère d’héberger de manière asymptomatique dans son pharynx le bacille et de contaminer ainsi le nourrisson. Pour ce qui est de la rougeole, beaucoup de jeunes adultes, donc les femmes enceintes, ont des taux circulant bas. Cela explique la flambée de la rougeole en France en 2010 et 2011 avec une atteinte des jeunes adultes qui sont peu ou pas vaccinés, car on ne peut compter sur l’immunisation naturelle par circulation du virus rougeoleux dans la population. Beaucoup de nourrissons et enfants sont donc à risque de rougeole. On considère qu’environ 5 à 10 % des mères n’ont pas d’anticorps anti-varicelleux. De plus, d’autres ont des taux très bas, si bien que la séroprotection de l’enfant n’est pas assurée au delà du 1er ou 2e mois de vie. Il n’est pas possible de vacciner la mère avec des virus vivants dans l’état actuel des connaissances. La seule solution est de s’assurer que chez des jeunes adultes, les rappels vaccinaux ont été suffisamment faits. La base de la protection du jeune enfant passe par les rappels vaccinaux à la fin de l’adolescence et chez le jeune adulte, pour s’assurer que les protections transmises de la mère à l’enfantsont correctes; il importe donc que tousles adultes, hommes comme femmes, soient à jour dans leur vaccination et des rappels contre la coqueluche, la varicelle et la rougeole. Mais tout aussi important est la protection de la mère ellemême. En effet, la grossesse induit une baisse de l’immunité et le risque de complications est important pour une femme enceinte non protégée, en particulier pour la rougeole et la varicelle : des formes graves sont connues, particulièrement en fin de grossesse. C’est pour cette raison que des tentatives de vacciner les mères pendant la grossesse avec un vaccin antigrippal inactivé semblent efficaces. Les autorités américaines recommandent maintenant la vaccination saisonnière contre la grippe chez lesfemmes enceintes en raison des cas graves observés pendant la grossesse (3). La diminution des cas de grippe est alors observée chez l’enfant, mais ce n’est qu’un objectif secondaire, l’objectif principal étant de protéger la femme pendant sa grossesse. Il faut de toute façon réfléchir au type de protection qu’il importe de proposer aux mères. Des vaccins sont en préparation et certains seront très utiles mais tout le problème va être de montrer leur innocuité chez la femme enceinte et le foetus. Références 1. Gendrel D, Richard-Lenoble D, Fribourg-BlancA, Blot P. Transfert de la mère à l’enfant des immunoglobulines et des anticorps antirougeoleux en Europe et en Afrique. Presse Med 1988 ; 17 : 1633-1636. 2. Gendrel D, Richard-Lenoble D, Massamba MB, Picaud A, Francoual C, Blot P. Placental transfer of tetanus antibodies and protection of the newborn. J Trop Pediatr 1990; 36 : 279-82. 3. Tamma PD, Ault KA, DelRio C, Steinhof MC, Hasley NA, Omer SB. Safety of influenza vaccination during pregnancy. Am J Obst Gynecol 2009 ; 201 : 547- 52. Afrique Paris Mère Cordon 1 200 1 000 800 600 400 200 0 Figure 2. Moyennes des anticorps antitétaniques observées dans le sang de la mère et le sang du cordon en Afrique (Libreville), à Paris et chez des femmes africaines vivant à Paris (d’après 2). 371-372 - SYMP gendrel:ao 1/09/11 17:03 Page 372

Commentaires
* L'e-mail ne sera pas publié sur le site web.